La nunuche du cœur que je suis, bien posée sur son coussinet, écrivait.
Les mots s’échappaient de son crayon et s’en allaient se ranger bien sagement sur le papier.
Ils étaient impatients que l’histoire, dont ils faisaient partis, avance.
Chacun avait son rôle à tenir et, en braves petits mots qu’ils étaient, ils faisaient, ma foi, une jolie figure et tout ce microcosme cheminait, ainsi, en paix.
La clef tourna dans la serrure de la porte d’entrée.
Le crayon filait toujours et arrêta sa course quand la porte se referma.
La nunuche sourit, il rentrait, l’homme exceptionnel qu’elle aimait.
Elle reprit son écriture priant instamment tout son petit monde de se concentrer tout de même un tantinet.
Cependant, elle frémissait déjà d’imaginer le baiser qu’il ne manquerait pas de lui déposer en effleurant sa nuque si doucement, si tendrement de sa main chérie.
Le crayon sursauta, le mot en suspens n’osa même plus bouger.
Devait il sauter de son plein gré là derrière les autres ou attendre sagement la reprise d’écriture ? Après tout, il n’était plus qu’un mot tout seul, et de mémoire de mot, il ne savait pas.
Lui s’était approché et livra ce délicat et non moins passionné baiser.
Il effleura sa nuque en lui souhaitant le bonsoir.
Le mot, lui, était autant au bord de la torture que celle qui contenait son instrument. Il gardait sa position en maintenant tant bien que mal ses consonnes et voyelles.
La nunuche, en revanche, avait perdu de sa contenance.
Il est vrai que quand il arrivait et s’emparait ainsi, en un baiser, de tout son être, elle était livrée corps et cœur liés à leurs désirs partagés dans la nanoseconde immédiate.
Cependant, elle ne voulait ne rien laisser poindre ce soir ; flegme, toute en flegme et occupée seulement à sa nouvelle histoire.
Il fallait tout d’abord sauver ce petit mot si courageux et finir au moins le paragraphe, au moins …
Il la regarda du coin de l’œil en souriant.
Il aimait ce petit air qu’elle prenait lorsqu’elle se voulait paraître fort occupée alors qu’il sentait sourdre en elle, l’appel du plaisir qu’ils connaissaient tous les deux si bien.
Le petit mot soulagé put enfin rejoindre ses comparses qui s’agitèrent un instant dans la mise à la ligne en guise de standing ovation. Il avait tenu bon et avait parfaitement exécuté sa pause sur le papier, un réel petit mot exemplaire !
Elle leva les yeux et vit son sourire esquissé, ses yeux s’allumer.
Elle était découverte …
Quoi de plus étonnant, il la connaissait si bien !
Elle remercia son petit monde du travail jusque là accompli et le pria d’être plus sage qu’elle jusqu’à son retour prochain.
Le crayon fut donc posé et le cahier, refermé.
Elle s’étira là, sur son coussinet et alors qu’elle allait se lever, il la souleva et l’emporta tendrement et fermement vers leur univers rien qu’à eux.
-« Que veux-tu ? »
-« Juste toi. »