Je m’étais pourtant bien faite à l’idée que je n’aimerai jamais.
Résolue, à vraie dire, à accepter que je faisais partie de ces gens qui ne peuvent approcher ce sentiment si beau, comme si une punition passée continuait à sévir dans le présent et pour longtemps.
Il faut bien avouer que je m’étais toujours bien moquée de ces amoureux magnifiquement transis puisque je ne ressentais pas cette merveilleuse plénitude exponentielle lorsqu’un garçon venait à passer, un picotement léger au plus ; tandis que je me plaisais déjà à raconter ces histoires de filles heureuses élues au pays resplendissant de l’Amour.
Je prenais, dans mes mots, ce sentiment incroyable et je le distribuais sans férir à ces filles aussi rousses que moi souvent, qui s’épanouissaient alors en merveilleusement beau pour des lignes et des lignes.
A soupirer d’aise en apaisée jusqu’à la fin des chapitres, des suites, des temps ou presque.
Cependant, là, au chaud de mon cœur, rien.
Pas le moindre petit éclat.
Etais je triste pour autant ?
Non.
L’homme, à qui j’avais dit oui car plus picotée par ce qu’il était à un temps T, m’avait permise d’avoir mes enfants me révélant mon amour indicible de maman, me rassurant quelque part, sur ma capacité à aimer vraiment.
Lui parti, je restais une mère exemplaire, mais une femme sans cœur, éblouissante de pseudo-liberté, audacieuse de solitude.
Alors, comme on le dit souvent, on se fait à tout.
Cependant, il est honnête de reconnaître que même si l’on s’en fout, ça pique un peu quelque fois, quand son lit est si froid et que son cœur frissonne sous un soleil de plomb.
Et puis, un jour sans crier gare, ce sentiment là vous fait le coup foudroyant du pied de cœur à faire rougir le nez, et le reste, et pupiller allègrement en joliesse des plus excessives.
Celui là qui vous attrape par surprise et vous fait découvrir que l’amour au bout du compte, ça fait un mal terrible, une souffrance abominable.
Pas de demie mesure !
Tout est en puissance infiniment grande, à se demander finalement comment un si petit cœur peut survivre, à s’interroger également, sur le mode mini et éco de sa vie passée, sans jamais s’en rendre compte.
Tout ce que je peux avancer aujourd’hui, c’est que je ne me suis jamais sentie aussi libre qu’en ayant ce sentiment de lui appartenir, que je vacille dès que je le sens loin de moi, réalisant la vacuité de ce monde sans lui, que la mort serait sans aucun doute plus douce qu’une vie éternelle sans lui.
Je comprends l’excessif, je modélise l’infini des possibles.
Vanité ?
Je le crois car ma punition est bien là : je l’aime, je le sens, je le vois ; cependant, il ne sera jamais à moi.
Je ne suis qu’une Shéhérazade, celle qui doit raconter sans cesse pour gagner le temps d’aimer.
Il ne me reste plus qu’à mourir bien vite ou me réveiller sans attendre si d’aventure, je dormais encore sur un sujet à explorer.
C’est ce que je préfère en fait, travailler en dormant.
C’est pour cela que j’ai accepté de participer à cette étude, il parait que je suis douée pour envisager tous les futurs potentiels en un temps record sur un sujet donné lorsque je dors à poings fermés.
A me demander, seule au milieu de la foule ou en douces vibrations avec lui, si je ne rêve ma vie depuis, en gardant certes, chevillée au corps, cette douce liberté inédite délicieuse.
- « Que veux tu ?
- Uniquement toi. »