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Soudain, l'héritage...

Je dois me battre au nom de mon père.
Je dois me battre au nom de mes ancêtres.
Je dois me battre au nom de Dieu.
Je dois me battre…Avec ce fichu livre écrit en japonais pour m’expliquer le secret qui doit changer le cours de mon existence d’après cet inopiné testament lu toute à l’heure.

Le guide du parfait samouraï parait il, je dois pouvoir trancher dix têtes en un seul coup un seul, avec la seule lame du sabre qui m’a été léguée avec ce drôle de manuel que je feuillette là, dans le métro, dans cette rame au milieu de tous ces inconnus menant leur vie tambour battant ou à clairon fermé.

J’ai beau plisser mes yeux, je ne devine rien.
Ces traits forment des figures japonisantes mais, c’est bien tout.

C’est tout moi ça, croire que tout à coup parce qu’un événement extraordinaire à une inconnue survient, je vais basculer et acquérir en un seul claquement de cils, toute la science d’ici bas.
La rêveuse que je suis, hausse les épaules .
Je ne suis que cela, une rêveuse parcourant des mondes insensés peuplés de beau et de sombre parfois, cependant brillamment exaucés à chaque fois.

Et si mes amis avaient encore décidé de me faire une bonne blague ?
Ils sont assez doués pour ce genre de choses et à vrai dire, ça ne serait pas la première fois qu’ils me jetteraient dans l’embarras d’une situation rocambolesque .
La dernière mésaventure, un truc à escalader une montagne, car après trente jours d’hôpital et quatre mois de rééducation, on ne peut appeler ça qu’ainsi, m’a même conduite chez un curieux hypnotiseur qui me laisse encore à son souvenir, des frissons dans le dos.

-  « … machin pour les chats persans … »
C’est idiot, cette bribe là pêchée dans le tohu bohu du wagon qui s’agite des pas pressés des voyageurs tassés et secoués, me donne envie de relecture de ce fichu manuel.
Et là, allez savoir pourquoi, je comprends tout!
Le Japonais est maîtrisé par moi!
Sans autre forme de procès, je mets à bas les traits et arrondis tout ça pour former des mots dansant, virevoltant en bonne surprise de compréhension.
J’en suis tellement abasourdie que je me mets à lire tout haut ce que je devrais murmurer tout bas ; ce sont les yeux étonnés et réprobateurs de ma voisine d’en face qui me font soudain réaliser le son de ma voix.
Et certes, ce que je lis peut conduire en étonnement à glacé d’effroi.
Je découvre, qu’avec une précision chirurgicale, je peux ôter ce qui doit l’être.
Une question d’amplitude et d’espace maîtrisés.
Au bout du compte, de la belle physique appliquée avec maestria!
C’est beau .


J’ai comme une envie irrépressible de m’essayer à cet art nouveau qui s’offre à moi ; l’image du sang chaud coulant de ci, de là me fait réfréner cette impatience malicieuse et heureusement pour tous ceux m’accompagnant fortuitement car dix, c’est certain, ils sont là, autours de moi.
Dommage.

Le dépit en bouche me fait ranger consciencieusement ce drôle de tutoriel et repenser à l’autre chose remise en même tant que ces drôles de joujoux là.


C’est une pochette en cuir un peu épaisse s’ouvrant en rabat sur un curieux rangement de correspondancier agrémenté de petits tiroirs dans lesquels, je découvre une clef dorée, une bague au chaton bleu délicat et une plume noire.
Sous les feuilles et enveloppes vierges, se cachent deux lettres cachetées dont l’une, à priori, a été ouverte un millier de fois.
Avec stupeur, je lis mon nom sur l’autre qui n’attend que moi pour délivrer je ne sais quoi.

Décidément, depuis que cet huissier s’est présenté chez moi, me signifiant que je devais être aujourd’hui dans ce cabinet fort cossu d’avocat du boulevard des Capucines, en tant qu’une des légataires de Charles Auguste Pozzo di Paoli, je vais de surprise en surprise.


Mon imagination bat à tout rompre sur tous les chemins de traverse qui s’exposent devant moi.
Il faut à tout prix que cela cesse, que je me calme où ma raison deviendra si déraisonnable que l’on m’enfermera pour longtemps malgré moi.
Je décide donc, de rentrer à la maison et de découvrir tout cela dans le confort tranquille de mon chez moi.
Je me colle la « Petite musique » dans les oreilles en pensant qu’il n’y a vraiment pas mieux pour accompagner la pétillance qui grandit en moi, il faut dire qu’Amadeus m'a toujours semblé, le plus génial farceur des compositeurs.
Je dérive encore, le sourire aux lèvres, avec Mozart jetant des confettis de ci de la.

C’est la sonnerie du téléphone qui me précipite dans l’urgence de trouver très vite mes clefs afin de décrocher et découvrir l’impatient obstiné qui s’acharne ainsi à vouloir réveiller tous mes voisins, quoiqu’à bien y réfléchir, il n’en sait rien de la sonnerie de mon combiné mise sur la position la plus élevée afin que je ne loupe plus l’appel de Jean ou Jeanne...
Il est vrai que le téléphone et moi, ça n’est pas le grand amour :  il braille quand je dors et n’est jamais assez bruyant lorsque mes amis s’inquiètent de mon silence plus long que d’habitude. Ce qui a pour résultat de les voir débarquer à l’improviste en tambourineurs indélicats.


Bref, je me précipite laissant la porte se refermer à sa guise et attrape in extremis, la voix affolée de la secrétaire de l’avocat qui me lance, sans reprendre son souffle, que j’ai oublié de lui préciser où devaient être livrées les malles, ici chez moi ou dans cet hôtel particulier du parc Monceau que j’ai reçu aussi en surprise du jour.
Là, en fait, je n’ai pas tout compris ce que racontait l’homme austèrement policé qui lisait d'un ton monocorde le document qu’il tenait fermement serré entre ses doigts, une Chantal de je ne sais plus quoi avait sursauté et manqué l’étranglement alors qu’il développait la narration de l’attribution de ce bien là.
Moi, j’avais déjà buggé sur le sabre et le particulier attribué m’avait bien échappé comme étant un nouveau possible de maison à moi.

Je raccroche en me demandant si j‘ai fait le bon choix de lieu de livraison, la prudence née d’autant d’abondance impromptue me signifiant haut et fort que je vis dans un quarante mètres carrés et que j’aurai l’air plus que pitoyable si je devais subir une invasion de malles poste à l’ancienne, en nombre plus élevé que deux ça va de soi.

C’est incroyable!

Moi qui jongle toujours en équilibre précaire avec mon compte bancaire, voilà que je me retrouve légataire d’un sabre millénaire, d’un livre presque aussi vieux ma foi, d’un prêt à correspondre d’un autre temps et je deviens titulaire de malles au contenu mystérieux, doublé d’un ronflant titre de propriétaire de surcroît.
Il y a vraiment là de quoi me pincer fort et longtemps afin de me sortir de la torpeur qui me saisit brusquement en faisant l’inventaire de tout ça.


Je réfléchis à toute allure, rapprochant ce qui doit l’être pour essayer de trouver un semblant de cohérence à cette matinée là.
Ce qui me chatouille le plus, c’est ma prédisposition soudaine pour cette langue résolument inconnue de moi.
Je suis certes douée pour les langues étrangères, j’en parle une bonne dizaine je crois.
Cependant là, il est vrai, c’est un peu trop immédiat selon moi.

Un héritage impromptu et colossal peut survenir, il y a plein d’histoires de ce type.
Bon, que ça tombe en pile sur moi, ça pourrait sembler bizarre ; pourtant, pas tant que cela en fait, j’ai quitté ma famille à l’adolescence, me balançant sur les routes assez tôt pour m’éloigner de tout ce clinquant nauséabond que je ne supportais pas.
Lorsque j’y pense, je me dis que j’étais une fille plutôt gonflée à cette époque, voyager seule et sans peur dans une bonne partie du monde, je ne sais pas si j’en serai encore capable aujourd’hui.

Alors, c’est peut être simplement mon passé qui me rattrape, pas besoin de me mettre l’esprit à califourchon sur une idée saugrenue, il me faut aller de l’avant!
Zou, sous la douche, la vie sera plus claire après cela.
L’eau coule et glisse,  chaude et bienfaisante.
Je ferme les yeux.

L’hypnotiseur !
Oui, c’est ça !
Le japonais et le chat persan avec son machin, c’est ça qui a changé ma perception du livre!

Je ferme le robinet, sors de la salle de bains en tentant, vaille que vaille, de me sécher en m’habillant pour me jeter dehors afin de demander l’explication à ce type que je trouve fichtrement bizarre et impressionnant du genre, à me faire rêver des cauchemars comme lorsque j’étais enfant.
La sonnerie de mon portable, cette fois, m’arrête brusquement résolument.
Je ne peux certes que répondre car il s’agit de lui, cet homme merveilleux que j’aime, en déplacement à Londres depuis une semaine et merci à la technologie qui me permet de distinguer sans hésiter, l’amour de ma vie.
Je laisse tomber serviette, chemisier et culotte en me posant tranquillement sur le sofa, soudain apaisée par la voix de mon aimé.
Je lui raconte alors tout par le menu en plus simple appareil.
C’est un homme judicieux que le mien, il comprend en son entier mon étrange aventure et surtout, parce qu’il me connaît bien mieux que moi, il sait et me dit les mots que j’entends vraiment.
Il a raison.
Je vais faire ce qui était prévu puisqu’il rentre toute à l’heure.
Je vais me rendre chez lui et nous préparer pour son retour, un petit dîner au cours duquel, nous aurons le temps d’évoquer ce qu’il s’est passé et surtout, nous retrouver doucement fort, lui et moi.

Tout devient simple tandis que je raccroche.


Je m’habille et sors tranquillement de la maison.
Je ne vois pas la camionnette, la porte arrière qui s’ouvre brusquement et les deux hommes qui se ruent sur moi soudainement.
Je ne le vois pas mais je le sens.
Je sors lentement le sabre de son fourreau.

C’est vrai. La précision est chirurgicale. Les deux têtes roulent sur le trottoir sous le regard médusé des passants fortement décontenancés.

Plus que huit…



-«Que veux tu ?
-  Juste toi. »

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