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A nos un an - Patricia

Ce matin, je suis fichtrement fébrile.

 

 

Je ne sais pas pourquoi mais j’ai si mal dormi cette nuit que le monde entier me semble liguer contre moi au réveil.

Tout va de travers.

Au commencement, à cinq heures trente, cette fichue voisine et ses talons...  Après ça, plus moyen de me rendormir. Je peux supporter toute sorte de bruits mais celui là, je le trouve exécrablement insupportable.

J’ai une tête, oh, mon Dieu, je fais peur !!!

De plus, ma cafetière a décidé de rendre l’âme toute à l’heure…Fichue lâcheuse !!!

Mais qu’est ce que je vais bien faire sans caféine ?

A bien y réfléchir cependant, la goutte d’eau de trop, ce qui m’a achevé, c’est d’avoir éponger la cuisine suite aux frasques de ma machine à laver.

Enfin, une chose est certaine, l’on peut, sans hésiter, me discerner la médaille de la meilleure ménagère : cette pièce est rutilante jusque dans son moindre recoin… Cela ferait s’esclaffer Coralie, mon amie, elle qui dit toujours que je suis un vrai modèle de « bordel » organisé . Non pas que je sois insouciante quant aux besognes ménagères mais il y a vraiment des choses plus importantes dans la vie que d’avoir une maison étincelante, rangée aux millimètres prés comme cela peut l’être chez elle.

Cette chère Coralie, archétype féminin par excellence, mariée, deux enfants, qui décidément a beaucoup de mal avec la patachonne du cœur et de la vie que je suis.

Le pire dans tout cela, c’est qu’il est bientôt 11h et j’ai rendez vous avec Philippe à 13h à Troca dans notre café, celui où nous nous sommes rencontrés, il y a un an maintenant.

Ca, c’est une pensée qui me fait sourire parce qu’en fait, si je me souviens bien, il y a un peu plus d’un an, ce n’était pas lui que je devais rencontrer, mais Michael…

Quand la vie décide de vous bousculer à un moment donné, elle s’emploie à le faire avec de fichus moyens …

 

Ce jour là, tout cheminait en tranquille contrairement à aujourd’hui.

 

J’avais bien dormi .

Je pouvais utiliser du temps juste pour moi et ne penser qu’au rendez vous que j’avais à 13h, dans ce café place Charles de Gaulle, à Troca, pas très loin, en fait, de mon appartement .

Coralie voulait me présenter un de ses amis célibataires.

Vous savez ce genre de rendez vous arrangé par vos amis qui vous veulent forcément du bien .

Que l’on soit fille ou garçon, on est tous passé par là : les mains soi disant « expertes » de nos amis qui se découvrent des talents de marieur et veulent à tout prix, les mettre en application  pour votre plus grand déplaisir souvent ….

J’avais néanmoins prévenu Coralie que c’était la dernière fois que je voulais bien me prêter à ce type de rendez vous. Elle avait ri en disant que de toute façon, « il » était celui que j’espérais .

Un « mouais » le plus dubitatif possible avait été ma réponse.

Moi qui ne sais pas ce que je cherche dans ce domaine si obscur qu’est pour moi le sentiment amoureux, mon « au delà du réel » à moi comme j’aimais à l’appeler alors…

En arrivant le jour J au café, je n’avais pas compris que nous serions six.

Je pensais que Coralie venait avec Sébastien et que Michael, c’était la cerise sur le gâteau.

Quelle drôle d’idée d’envisager quelqu’un ainsi .

Cependant Coralie y était un peu, beaucoup pour quelque chose : elle m’avait vanté les qualités de cet homme que j’avais du coup bien du mal à imaginer autrement ou alors, orné d’un joli ruban …

Et bien non, il y avait un couple inconnu supplémentaire se disputant à tout va sous le regard gêné des autres convives attablées .

L’aubaine, le prétexte servi sur un plateau !

Ne supportant pas les conflits, j’allais pouvoir repartir bien vite …

Enfin, trouver n’importe quoi pour échapper à tout ça …

Mon amie me présente à la tablée devenue, à mon arrivée, silencieuse.

Face à lui, l’élément masculin du couple en dispute, je me sens un tantinet bizarre. Un peu comme quand vous subissez directement et impitoyablement le carillonnement des cloches d’église; quand ça s’arrête, ça laisse un drôle de bruit au fond de vos oreilles raisonnant insidieusement, sournoisement dans toute votre tête .

Du coup, vous vous sentez plutôt mal à l’aise, votre cœur bat trop vite et comme vous avez peur que cela se voit, vous rougissez façon pivoine …

- « Patricia, je te présente Philippe » .

Il s’approche pour me faire la bise et là, je bafouille deux trucs ou trois incompréhensibles et ça me rend encore plus écarlate.

Qu’est ce qu’il m’arrive ?

Du coup, je maudis ce jour, mon amie (enfin, pas trop), ses amis, ce café et je ne rêve que d’un truc, filer d’ici, être n’importe où mais loin.

Quoiqu’à bien y réfléchir, même sans d’ailleurs, ce Philippe a vraiment quelque chose .

Il me plait bien.

En plus, il a lancé un mot gentil pour me rattraper alors que je m’empêtrai dans des explications affreusement abracadabrantes.

Quant au Michael, je l’ai déjà oublié : déconfiture de la cerise ? Peut être pas, après tout…

Il me faut en savoir plus sur cet inconnu qui me fait tant d’effet.

Je demande à Coralie de m’accompagner aux toilettes, lieux d’aisance certes, mais des papotes « importantes » de temps à autre. C’est fou le nombre de petit ou grand problème que l’on peut dénouer ici…

Elle m’explique que Philippe est venu avec sa petite amie, Isabelle, malgré que ça n’aille pas bien entre eux et en toute confidence, elle me révèle que la fille en question va le quitter d’un moment à l’autre.

Ce genre de trucs de filles a d’habitude le don de m’exaspérer cependant là, j’en redemande encore. Mon amie a un petit sourire amusé que je lui connais bien. Oui, Coralie, je dois avoir l’œil pétillant et la bouche gourmande mais de quoi, te plains tu ?

Je suis soulagée .

C’est le sourire aux lèvres, le cœur léger que je remonte en compagnie de mon amie toute aussi guillerette, rejoindre notre table.

Même elle, à ce moment là, en avait oublié Michael qui était en pleine discussion passionnée avec …la future ex petite amie.

Quand je vous disais que ce sont de fichus moyens …

Nous avons tous passé un bon moment ensemble qui s’est prolongé jusque tard dans la nuit chez Coralie et Sébastien.

C’est ainsi que mon histoire avec Philippe a débuté.

Suite à cette rencontre, il a demandé mes coordonnées à Coralie.

Il m’a appelé une semaine après le départ d’Isabelle qui s’est installée rapidement chez Michael, sa cerise à elle, au final.

 

Cela fait un an maintenant que je me promène dans les contrées paisibles et rassurantes du pays du sentiment amoureux.

Pour la première fois, je me laisse faire ou presque .

Moi, la très indépendante, nous avons trouvé un arrangement : chacun chez soi cependant, nous nous voyons aussi souvent que possible ; toutefois, je n’ai pas encore réussi à lui donner les clefs de chez moi alors que lui …

Pourtant depuis un mois, quelque chose a changé.

Philippe devient de plus en plus insistant, il souhaiterait que nous nous installions ensemble.

Il propose des solutions pour que je conserve un espace bien à moi. C’est vital, j’en ai besoin pour travailler, en tant que modiste, il me faut de la place, du calme .

Quoique je me sente davantage prête depuis l’arrivée de cette voisine, il y a deux semaines, au dessus de ma tête, ses talons me rendent folle...

 

Tout celà nous conduit à aujourd’hui.

 

Nous devons nous retrouver dans le fameux café de notre première rencontre, toute à l’heure à 13h.

Et le temps a filé : il est 11h45 !!!

Ma rêvasserie m’a mise en retard.

Je fonce vers la salle de bains, sous la douche.

J’ouvre le robinet et …l’eau est glacée !!!

Il ne manquait plus que cela …Mon chauffe eau en panne !!!

Je suis maudite, il ne peut en être autrement !!!

Du coup, submergée par la mauvaise humeur, le découragement et toutes sortes d’idées noires et sottes, je décide de me recoucher .

Ca ira mieux toute à l’heure …

Ma solution comme une autre quand ça ne va pas : dormir .

Simple, pratique, efficace … enfin, selon moi …

Je me suis endormie tout de suite…

Et en me réveillant tranquillement, je me sens apaisée .

Bien …

Quelle heure est il ?

13h30 !!!

Je devrai être là bas depuis une demie heure.

Je bondis hors de mon lit.

Il faut que je trouve mon portable. Philippe doit être inquiet. Zut mais où ai je mis ce machin ?

Un quart d’heure plus tard, je l’appelle. Mon ton est agacé.

Je sais que je devrai faire un effort ici et maintenant, ça me traverse un instant …

Je m’emporte, donne de vagues indications quant à mes mésaventures et je lui annonce tout de go que je ne viendrai pas.

Il ne retient que ça.

Ca m’agace encore plus .  Mais pourquoi ne veut il pas comprendre ?

De guerre lasse, je raccroche, comme ça.

Il m’énerve aussi à jouer les égoïstes.

Plus qu’assez de cette journée !!!

C’est décidé, je repars sous la couette et j’hiberne jusqu’à la saint Glinglin.

Zut à tout !

Je suis une solitaire.

Je n’ai jamais vécu avec qui que ce soit.

Mon travail, mes créations ont toujours été ma priorité.

Les hommes, des moments nécessaires mais pas indispensables. J’ai navigué de cœur en cœur sans jamais m’attacher, sans jamais laisser une porte ouverte sur mon âme.

Bon d’accord, jusqu’à lui.

Cependant même à lui, je n’ai pas été fichue de lui dire que je l’aime.

Mais zut, pourquoi je pleure ?…

Il est 15h quand je le rappelle pour m’excuser.

Je ne veux pas le perdre, il m’a fallu une boite de mouchoirs jetables pour le comprendre.

Je suis plus sereine, calmée de tous ces incidents techniques qui ont désormais une importance moindre, insignifiante même.

Je lui dis simplement que je l’aime et que je l’attends ici, chez moi.

Il verra bien après tout quand il arrivera.

Il comprendra car Philippe a ce don là, celui de m’appréhender bien mieux que je ne sais le faire moi même.

Il me verra en pyjama, le nez rouge, les yeux bouffis, les cheveux sales et voilà . Tant pis ... Tant mieux …

 

15h25 .

La sonnette retentit.

C’est lui, un genou sur mon paillasson tenant dans sa main, un boîtier ouvert sur une bague …

-« Patricia, veux tu être … ».

Il n’a pas le temps de finir que je fonds en larmes.

 

 

 

 

Nb : Fait parti de "la saga des filles" 

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