La fille en face de moi me posa la question récurrente, celle que je détestais entendre et qui forcément arrivait toujours à un moment ou à un autre, à me demander si il n’y avait pas un sérieux problème au pays de l’imagination journalistique ou si nous ne vivions en fait que dans un pays de semi liberté qui imposait les questions types et les réponses en parfaite adéquation avec le bon ton général.
Cela concernait forcément ma propension à écrire toujours dans le même registre avec une innovation toujours renouvelée.
Et bien sûr, je me pliais au petit jeu de la réponse que l’on attendait de moi.
J’y répondais en souriant, cette fille faisait son boulot et moi, le mien.
Au sortir de cet échange ô combien familier, je me sentais quelque peu perplexe.
Je repensais à cette période où je ne rêvais que d’éditions de mes histoires et où je n’avais pas envisagé le côté « people » que cela incombait.
Après tout, si j’avais voulu être en étalé dans tous les mags de la terre, j’aurai choisi autre chose que de devenir « écrivain » .
Est ce que le fait de devenir un personnage « public » induisait que l’on se plie sans protestation aucune, au jeu du paraître en hipe du moment ?
Ou est ce que cela était la rançon à payer pour être connue par le plus grand nombre, quitte à y perdre une partie de son âme ?
Bon, il est vrai aussi que cela répond aux conditions expresses de l’offre et de la demande car après tout, je vis, nous vivons dans une société dite de consommation.
L’essentiel pour moi étant que mes histoires courent et laissent dans le cœur et la tête de mes lecteurs, un certain goût de plaisir, je ne suis plus aussi rebelle à l’idée de me courber et de respecter les règles de ce jeu.
C’est ainsi qu’à présent, je peux me rendre toute seule à ce type d’interview alors qu’avant, il fallait toujours qu’il soit là, lui, mon homme extraordinaire qui me protège de tout.
Je grandis sans doute.
Enfin, pas tout à fait.
Je ne suis toujours pas en mesure de me rendre à ces soirées grand apparat sans avoir une peur au ventre indicible et auxquelles je n’irai sûrement pas sans sa présence rassurante à mes côtés.
Je me dis par moment qu’il faut avoir en soi une grande part de folie pour s’exhiber ainsi aux yeux de tous.
Je n’arrive toujours pas à me dire que j’y vais en autre, en déguisée : cette nunuche là de grand soir apprêtée comme une fille de papier glacé, ça n’est résolument pas moi, je ne suis alors que la comédienne pour mon art.
Cela le fait rire.
Moi, qui a ses yeux, est la grande dompteuse de la folie, à naviguer comme je le fais dans tous ces mondes imaginaires, certains auraient, paraît il, déjà perdu le sens de la réalité et plongé dans les comptes à régler rubis sur l’ongle à leur raison défaillante.
Moi, je lui réponds simplement que c’est parce qu’il est là.
Il est mon ancre dans ce monde çi et je suis si bien amarrée à lui que je peux m’envoler n’importe où, je suis sûre de rentrer toujours.
- Que veux tu ?
- Juste toi.