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en made in moi - Page 19

  • De l'importance des étoiles...

    Elle sortit brusquement du bosquet en s’enroulant dans le drapeau américain, cela aurait pu paraître drôle et saugrenu à n’importe qui ; mais moi, je savais quel chagrin emplissait son cœur à ce moment là.
    Je savais le secret de son âme meurtrie.
    Je devinais le froid qui prenait toute sa place désormais.
    Les rires fusaient de partout…
    - «  C’est dans la boite! »

    Non mais quelle naïve tout de même de croire qu’en cet endroit, elle pouvait s’installer à sa guise dans le plus simple appareil !

    Il est certain qu’on ne l’y reprendrait plus à faire confiance à ces présumés amis!
    Quelle bande d’hypocrites!
    Elle ne devait s’en prendre qu’à elle-même après tout, elle avait une certaine habitude qu’on lui raconte des histoires et elle avait tellement foi en la bonne nature humaine qu’irrémédiablement, elle croyait et invariablement, la déception montrait le bout de son nez.

    Alors là, drapée dans cette étoffe de liberté, elle se sentait la plus stupide de la terre et se faisait la promesse idiote du « jamais plus » .

    Je partageais cette idée ayant fait les frais si souvent des inventions réputées drôles de mes relations amicales supposées.
    La naïveté a un charme fou, parait il, et mes yeux verts s’arrondissant aussi bien que ma bouche en oh! de surprise, déclanchaient toujours des trésors d’inventivité pour ceux là que je côtoyais et pour moi, du rouge seyant mal à ma rousseur excessivement impulsive, faisant cascader en vibrato mes boucles jusqu‘au bas de mon dos.

    C’est pourquoi, je n’avais pas réfléchi, je lui avais tendu le drapeau que j’avais trouvé dans cette boutique au cours de ma journée de shopping destinée à trouver « le » cadeau original pour l’anniversaire de ma meilleure amie.
    Je conservai certes, déchiré, un joli papier d’emballage et je n’avais plus qu’à espérer que le commerçant possède en stock, une deuxième bannière étoilée…

    L‘esprit pratique, me caractérisant, me susurra d‘aller ramasser les affaires de la fille, qu’elle n’oserait sans doute pas revenir sur ses pas mais serait bien ennuyée de ne pouvoir rentrer chez elle et de perdre, en plus, tous ces trucs importants tels que ses cartes diverses, téléphone et autres clefs.

    Je rassemblai le tout et me mis en quête de l’inédite statue de la liberté en cavale.
    Nous étions dans le parc du château, elle n’avait pas dû aller bien loin.
    Je l’imaginais d’ailleurs assez mal, déambulant en si peu de conformité avec la bienséance tolérée dans cette ville embourgeoisée.
    Je la découvris dans une contre allée ombragée, assise en pleurs sur un banc isolé.
    Je m’assis près d’elle sans mot dire en posant ses affaires entre nous et en lui tendant un mouchoir jetable.
    Elle se moucha sans élégance et s’habilla fort prestement en ne me jetant pas un regard.
    Lorsqu’elle referma la boucle de son ceinturon sur son jean délavé, elle se leva, se planta de son mètre soixante cinq en face de moi et tout en me remettant le paréo improvisé qu’elle venait soigneusement de plier, m’invita à l’accompagner boire un café.

    Elle avait un délicieux accent chantant du sud assorti à ses mèches brunes qui s’échappaient mutines autours d’un visage rieur où plissaient des yeux noisettes.
    A la voir ainsi, dressée dans le soleil de juin, l’on avait du mal à imaginer la fille effrayée s’esquivant plus tôt complètement déboussolée.
    Elle était étonnante de vitalité et incroyablement bavarde !
    Je découvris, qu’au bout du compte, elle aurait su revenir et se débrouiller sans moi!

    N’importe qui nous croisant à ce moment là, aurait pensé à des amies de longue date, éclatantes de vie et insupportables d’optimisme flamboyant.
    En deux temps et trois mouvements, je sus presque tout sur elle, en pêle-mêle et le pourquoi de sa mésaventure.
    Elle était en villégiature chez son cousin Antoine.
    Elle se mariait en septembre avec l’homme le plus merveilleux du monde et désespérait de trouver, dans sa haute Provence natale, la robe dont elle rêvait .
    Elle avait donc imaginé que la capitale s’imposait et avait oublié le caractère blagueur de son cousin de l’ouest parisien qui ne manquait pas depuis l’enfance, de la mettre dans des pétrins invraisemblables.
    Elle ne s’était pas méfiée, à trente cinq ans passés, de l’idée incroyable de nudité autorisée dans un parc fermé de la ville.
    La naïveté en fossettes dessinées, a de quoi ravir le cœur des anges et bousculer en éclats, les rires, c’est plus que certain .
    Ça n’était qu’une loufoquerie de plus et elle m’assurait qu’elle tiendrait sa revanche.

    C’était un moment agréable, ce café attablé en heureuse complicité, j’oubliai presque que ma vie était bien plus terne et silencieuse malgré les ponctuations surprises qui la jalonnaient de ci, de là.

    Au moment des au revoirs, l’on se jura de ne pas en rester là et de se préparer d’autres instants plaisants avant son départ.
    C’est à cet instant que ma vie bascula.
    -  «  Alors ma Sylvie, ravie ? Pas trop fâchée ? Je savais bien que je te trouverai ici! » lança une voix si enjouée et si belle que mon cœur sursauta.
    En me retournant, je sus que plus jamais je ne mettrai en doute quelqu'un me signifiant d’avoir confiance en son étoile, voir en l’occurrence ici, plusieurs.


    -  «  Mon amour! »
    Et je vois, levant les yeux de mon ordinateur, en divine apparition mouillée, l’homme que j’aime, enroulé dans cette serviette oubliée, faisant rebondir fièrement et joyeusement les étoiles de ce drapeau.
    J’entraperçois le délicieux inopiné dressé en instant gourmand.

    L’histoire en cours attendra, mon important n’est pas là.



    -  «Que veux tu?
    -  Juste toi. »

  • Le manuscrit égaré ...

    Il remonte le col de sa veste.
    Fichu temps gris et froid à quelques jours du solstice de l’été, décidément, il n’y a vraiment plus de saison.
    Cette pensée le fait sourire.
    Il se revoyait enfant, entendant cette réflexion de la bouche des vieux tableaux d’alors qui soupiraient sur le temps passé et ses splendeurs, à croire que les trucs modernes avaient une drôle d’influence sur la météo.
    Et voilà que lui se surprenait à laisser son imagination se balancer dans les méandres de la nostalgie de l’autre heureuse époque!
    Peut être un effet de l’âge après tout, néanmoins ce froid piquant est bien là et cela ne devrait pas en ce mois là.

    Quoiqu’il en soit, la période est étrange.
    Tout semble aller de travers et même ses affaires, il n’y a pas encore si longtemps plus que florissantes, connaissaient un ralentissement.

    C’est pourquoi, il était dehors, à neuf heures du matin, à se dire que l’idée du manteau d’hiver n’aurait pas été si idiote pour se rendre à son rendez vous chez une nouvelle cliente plutôt originale dont l’un de ses amis lui avait parlé.
    Elle ne pouvait sortir de chez elle, souffrant du mal curieux de la photophobie ou de l’agoraphobie, il n’avait pas trop écouté en fait ce que Paul avait raconté à son sujet, il avait entendu les mots magiques de « manuscrit du XVIII éme » et cela avait suffi à ce qu’il accepte de se déplacer, restaurer une reliure de cette époque ne se présentait pas tous les jours.
    Une véritable aubaine!
    En fait, il était comblé, il faisait un métier qu’il adorait, lui permettant ce goût des surprises heureuses qu’il affectionnait tant.

    C’est ici.
    12 boulevard de la reine.

    Je me faufile, le portail passé, vers la cage d’escaliers prêt à monter les quatre étages indiqués, j’essaierai une autre fois l’ascenseur ; non pas que j’en ai une phobie mais j’ai tendance à y rester enfermé souvent.
    Si des statistiques devaient être posées, à coup sûr, je ferai exploser la courbe. Me suis souvent d’ailleurs poser la question de savoir pourquoi systématiquement ou presque, je restais coincé dans ces machins là. Heureusement, j’habite une région de résidences peu élevées, imaginez mon désarroi en plein Manhattan!

    Une petite femme brune vient m’ouvrir sans piper mot et me conduit vers un salon éclairé par une saisissante apparition d’une rousseur vénitienne au teint si pâle que je vois presque battre son cœur sur le bleu de sa veine, à la naissance de son cou.
    Je reste presque sans voix dans cette vaste pièce baignée d’une lumière tamisée par des voilages légers où s’échappe en cascade docile, des « leçons de ténèbres » ici heureusement illuminées par la grâce de mon hôtesse.
    Elle se lève du fauteuil où elle se trouvait une minute plus tôt en posant son livre sur le premier guéridon venu et se dirige vers moi dans un doux bonjour enchanté de sourire.
    Je persiste dans mon silence, ne produisant qu’un balbutiement grogné de mon nom associé à un borborygme de salutation.
    Pitoyable?
    C’est en tout cas ce que je ressens lorsqu’elle me sourit de plus belle et m’invite à m’asseoir en me proposant un café italien.
    Je ne peux m’empêcher de la regarder, transporté agréablement surpris avec la musique de Couperin, dans un autre siècle.
    La matinée passe en conversation aimable et enjouée, ponctuée par la visite de sa bibliothèque, une merveille entre nous soit dit, et la découverte stupéfiante du pourquoi de ma venue.
    Ce manuscrit a une taille peu commune pour l’époque.
    Pourtant, il faut bien reconnaître qu’avec ce siècle des lumières, il ne peut qu’en être ainsi, préserver un écrit particulier dans un format inédit avait aussi sa part de mystère quant à son élaboration.
    Il est magnifique malgré le sérieux dommage présenté sur le plat avant, des coiffes malmenées, des tranchefiles comme griffées ; même si les cicatrices d’un livre font parties de son histoire, je voudrai de toutes mes forces pouvoir atténuer son mal et lui faire retrouver une partie de sa splendeur passée.
    Le pire reste à venir lorsque je l’ouvre avec précaution, une espèce de taches bizarres se dissémine ici et là, au cours des pages, effaçant des mots en mouchetis ou de manière plus invasive, en faisant disparaître des paragraphes entiers.
    Je n’ai jamais vu ce type de dégradations, il va falloir que je l’emporte avec moi et l’examine au plus près avec d’infinies précautions.
    Lorsque je lève les yeux de cet ouvrage, je m’aperçois du triste poignant désarroi de sa propriétaire.
    Je me veux rassurant mais je sens bien qu’au vert mouillé de ces yeux, elle ne m’accorde pas toute la confiance que je tend à vouloir lui donner.
    Nous convenons d’un délai de retour d’informations et elle m’invite dans un immense soupir, à revenir dans trois semaines, jetant des regards éplorés à son trésor confié tandis que je l’emballe avec le plus grand soin pour son voyage jusqu’à mon atelier.
    Je me sens excité comme à mon premier assemblage et je ne souhaite qu’une seule chose à ce moment là, c’est que ce fichu ascenseur ne me fasse pas le coup de la panne.

    Elle me prend la main au moment d’au revoir et le temps s’arrête, je ne sais si je rêve ou si l’émotion d’un moment parfait me laisse imaginer les battements bien plus forts de mon cœur, accompagné de ce désir d’encore.
    Je me noie dans ces yeux là en respirant sans peine l’odeur de sa peau avec une soif absolue de son essence qui me fait me reconnaître à peine.
    Je ne tends à me sentir exalté qu’avec ces manuscrits que je sauve d’une mort certaine, ne ressentant cela jamais, pour qui que ce soit.
    La petite brunette soubrette vient rompre ce partage unique et magique me faisant brusquement détester la réalité.
    Je prends congé alors en gentleman, me rappelant soudain, l’important que j’emporte .

    Ces jours passent en minutieux examens, recherches avisées auprès de collègues et me laissent la tête pleine d’interrogations.
    Mes nuits en revanche, laissent la porte entre ouverte au désarroi de la savoir loin de moi.
    Je ne vois qu’elle, je ne recherche qu’elle , je m’égare dans des rêves échevelés de courses folles, de calèche abandonnée, de grilles que l’on saute, d’éclats de voix insoupçonnés .
    Je me traîne jusqu’au petit matin, le corps en sueur, l’esprit en feu, l‘âme désarçonnée.
    Et cela recommence encore et encore.

    Je n’y tiens plus trois jours avant notre rendez vous.

    J’ai décidé ce matin là de courir la retrouver et faire tomber la forteresse, lui déclarer tout de go l’élan de mon cœur et le désarroi de mon âme.
    Elle me devance cependant en m’appelant au téléphone, me signifiant l’importance d’hâter mes conclusions et de venir sans plus tarder la rejoindre dans l’après midi.
    Je me sens aussitôt illuminé et je brûlerai presque la chandelle ou briserai le sablier pour courir plus prestement vers mon heureuse destinée.

    La porte est refermée bien vite par la soudainement bavarde brunette.
    Elle débite des phrases qui n’ont pour moi ni queue, ni tête.
    Je comprends seulement que sa maîtresse va au plus mal depuis son appel et que je dois avoir une solution, un miracle qui la sauverait de tout ça.
    Mais, c’est quoi « tout ça » ?
    De quoi parle t elle ?
    Est-ce de ce doux transport qui plonge mon cœur en tourment délicieux qu’elle évoque à mots étranges ?
    Et fichtre, comment cela pourrait il être ?
    J’ai mal à mon être en tout cas.
    Je ressens une peur imminente d’un danger sournois.

    Elle est là dans le pénombre allongée sur une méridienne, me plongeant tout à coup, dans une scène familière que j’ai déjà revécue plusieurs fois.
    Que se passe il ?
    Devenais je fou de cette folie d’amour en coup de foudre découvert ?

    Je m’agenouille auprès d’elle, lui prend la main qu’elle me tend et je bascule, dévale le temps pour me retrouver dans ce rêve récurrent de ces derniers jours.

    -  «  J’aurai tant souhaité, mon très cher amour, que vous eussiez pu accourir en des temps moins espacés afin que vous trouviez un remède au mal qui me ronge et me laisse disparaître à jamais de ce siècle que j’affectionne tout autant que vous.
    Je ne puis rien contre cette abominable femme qui vous aime en secret, mon sort a été scellé par les mots qu’elle a couché dans ce manuscrit que vous voyez déposé là.
    Cette malédiction de m’effacer de votre cœur en me faisant disparaître de ce temps pour me conduire vers un ailleurs, me plonge en effroi.
    Ne plus être auprès de vous, mon amour, signifie la mort, déjà. » susurre t elle de sa voix doucement belle.
    -  «  Cela ne se peut!
    L’amour est plus fort que tout et ne laisse séparé des amants en transport partagé.
    Je fais le serment, mon aimée, de vous chercher et de vous retrouver malgré le temps.
    Souvenez vous que je ne suis que votre! Que … »
    -« Mon cœur est à vous, à jamais! »


    Et elle disparaît  !
    Et je me réveille en hurlant presque, le corps en tourments.

    Pourtant, ici et maintenant, c’est la voix de la brunette qui me sort de ma torpeur et m’explique que La Courtadon a modifié le sort en signifiant aux larves de Lasioderma de poursuivre dans les pages, les mots évoquant sa maîtresse et de les rendre illisibles à qui que ce soit.
    Excepté pour un relieur…
    C’est-ce que je pense tout bas.
    Je sais désormais ce qu’il me reste à accomplir, quels papyvores combattre.
    Je comprends le but de toute ma vie jusque là, ce savoir faire acquis ne peut que me servir pour celle que j’aime.

    Je me souviens de tout.

    Une larme glisse sur la joue de ma bien aimée étendue là.


    Il fait un soleil éclatant.
    Le châle de ma très chère a glissé dévoilant son épaule gracieuse.
    Je ne me lasserai jamais de ces yeux levés vers moi, illuminés de sourire complice lorsque ma main l’effleure en remettant l’étoffe sauvage en son endroit.


    -  « Que veux tu ?
    -   Juste toi. »