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  • ... "oui, c'est moi!"

    Ce soir d'un six octobre où je suis sortie de ton ventre m’a amenée dans un monde de bruits si froid que j’ai tout oublié du temps précieux lové au fond de toi.

    J’étais déjà trop grande pour mon âge, presque quatre kilos pour un peu plus d'un demi mètre. Comme j’ai dû te faire mal, si mal à toi si frêle, si délicate.

    Je pense que c’est pour cela que je fus un bébé calme et facile, il fallait te laisser du temps pour récupérer.

    Bien sûr, je ne me souviens pas de ce temps béni où je n’étais qu’attention pour toi, mais je l’ai tellement entendu : un super bébé, une incroyable petite fille…

    Moi, maman, je crois que c’était ma manière de te protéger, d’arrondir les angles car il faut dire que nous vivions avec un implacable tyran colérique et violent.

    C’est ainsi que je fus un parfait bébé : nuits complètes rapidement, non vomisseur, propre, trottineuse précoce et plus tard, une extraordinaire petite fille : si douce, si polie, un joli petit singe savant dont tout le monde parlait à ce cher homme avec tant d’éloges qu’il en oubliait de lui apprendre à voler ou de te faire mal.

    La priorité très vite : se servir de sa tête pour éviter les couleurs disgracieuses, il fallait se montrer inventive pour garder bonne mine.

    Que d’astuces il m’a fallu utiliser pour y arriver !

    Mon talon d’Achille pourtant : la nourriture, j’avais un mal fou à avaler viandes et certains légumes. Il lui fallait un prétexte, je le lui servais sur une assiette.

    Je suis désolée, maman, de ne pas avoir su gober sans réfléchir.

    Il y eut pourtant ce jour, dans ma treizième année, où sa moto a dérapé.

    Tout ce que je sais, c’est que nous avons récupéré un père après l’accident et trois ans de presque heureux. Age pour moi où l’on se frotte et se pique avec plus ou moins de bonheur aux affres de la puberté, on en oublie le monde immédiat, on rêve d'un autour de plus en plus éloigné et l'on ne se méfie pas de ce qui a repoussé juste là.

    A devenir si résistante, j’avais oublié que toi, tu étais fragile, si fragile…

    C’est en tout cas ce que tu m’as écrit dans cette foutue lettre : j’étais si grande, si intelligente, si forte que rien ne pourrait avoir raison de moi. Et par conséquent, je n’avais plus besoin de toi !

    Foutaises !

    Pourtant ce que je veux encore aujourd’hui, c’est simplement poser ma tête sur tes genoux, qu’il n’y ait plus que ta main sur ma joue, t'entendre m'appeler ma colombe et te murmurer si fort, "je t'aime, maman".