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  • Et Jean compte...

    Puisque ceux qui écrivent le savent bien, de l'importance de celui que moi, j'appelle, « petit crayon » avec affection indicible car si il n'était pas, je ne serai rien.

     

    « Le temps des congés étant arrivé, tout le monde partait. Ça se passait toujours de la même façon quand ils étaient « au bureau » : quelqu’un, très souriant et détendu bizarrement tout compte fait, passait la tête à la porte et jetait un « à telle date » ou « à celle là » , voir ajoutait un « et toi, c’est quand ? » … Et puis, s’enfuyait tout vite dans un « à bientôt » jeté en bonne et due forme de départ précipité. L’opération se renouvelait invariablement sur le même mode, à une formulation quasi identique, tout spécimen confondu. Ils appelaient tous ce truc là « vacances » avec le même engouement que les enfants pour les friandises les plus acidulées.

    Elle semblait pourtant accablée et petit crayon, à vraie dire, ne comprenait pas pourquoi. Après tout, elle aussi allait s’absenter…

    Qu’est ce que tout cela signifiait ?

    Les humains avaient de bien drôles de coutumes et en plus, ils en changeaient tout le temps !

    On réussissait à décrypter, on assimilait le truc et puis, curieusement, ça se modifiait !

    Ils n’avaient pas idée ces humains là, le temps qu’il fallait à un petit crayon comme lui pour tout comprendre, enfin, tout du moins essayer de …

    En tout cas, malgré toute la satisfaction du travail accompli, elle semblait de plus en plus triste alors qu’elle le rangeait toujours avec soin dans sa jolie trousse avec ses autres compagnons afin de rentrer à la maison. Entre parenthèses, il préférait quand elle y était paisiblement posée sur son coussin avec de la musique baignant l’air environnant…

    Bref.

    Petit crayon en était presque inquiet et décida, bonne mine en tête, de lui en graphiter un tantinet en gras, les maux cachés ou pas, je vous rappelle la nature, pourtant pleine de bonnes volontés, de petit crayon…

    Il n’eut pas besoin de chercher le taille crayon afin d’être au plus à l’affût et encore moins la gomme pour estomper une ou deux maladresses, elle se confia sans mots dire, juste en le serrant tout contre son cœur.

    Lui qui était fait du bois le plus dur, en eut presque le graphite décarboné.

    Il prit alors une grande décision.

    Il partirait sans plus attendre en se glissant subrepticement dans le sac voyageur de celui là et deviendrait le lien si fort, que n’importe où, elle le rejoindrait sans attendre, tout du moins y croyait il dur comme pointe de diamant.

    Qu’il était courageux !

    Lui qui était rempli d’appréhension quand elle faisait surgir sans crier gare la grande faucheuse au fil des histoires contées.

    Rien que d’en noter les guillemets entourant son « Elle», il se sentait soudain à l’étroit dans sa tige de bois, pas d’endroit vraiment pour se planquer.

    Et là, il allait voyager dans des contrées inconnues avec des objets qu’il ne connaissait pas !

    Il eut comme un vertige précisément à cet instant là et puis, tout à coup, il se souvint que lui serait là.

    Ce fait là, c’était l’autre aux guillemets qui le lui avait murmuré en fait. D’ailleurs, quand il repensait à ce moment étrange …

    Brrr .. Nan, au final, il ne tenait pas à revivre ça.

    Sa mission, comme il l’avait imaginé, pas si stupide en fait le petit crayon, était d’être le lien entre elle et lui.

    La grande faucheuse lui permettrait d’accomplir le tour incroyable de « je saute dans le sac sans que tu me vois » et se chargerait de prévenir le voyageur du nouvel affublé pour tous ces jours au loin…

    Car il va falloir s’y résoudre, nom d’encre point n’en faut trop !

    Ces deux là doivent se retrouver dans le même espace temps et pour de bon, et pour longtemps…

    Cependant, cela sera conté dans une autre histoire, c’est tout de suite le départ de petit crayon, pas si petit après tout, et qu’il faut sans attendre lui souhaiter bon voyage en lui disant au revoir.

    « Elle » le savait sage , vertueux, judicieux et courageux, tout se passerait bien.

    Il partait, elle souriait cachant ses yeux noyés de larmes derrière ses lunettes noires.

    Il fallait se reprendre !

    Après tout, les adultes savent et peuvent attendre, sans doute...

    Elle reçut des nouvelles bien vite.

    Il avait choisi une vue assez grande entre mer et montagne et le timbre en forme de cœur la fit sourire.

    Chère toi, (il paraît que l’on doit commencer par « cher » et le prénom ou la civilité ou … Ah, je vais rayer et mettre un truc autorisé aussi, c’est lui qui me l’a dit).

    Coucou ! 

    Je n’aurai jamais imaginé qu’il fasse si chaud, cependant, je vais bien.

    Il est très attentionné et j’ai tout ce qu’il m’est nécessaire.

    Je découvre de nouvelles activités, en spectateur tout du moins.

    Toutefois, je suis en première ligne en toute sécurité toujours, rassure toi, et ainsi, je peux tout voir.

    C’est magnifique !

    Je te raconterai tout !

    Tu me manques fort et j’ai bien hâte au retour.

    Je t’embrasse

    Ps : I love you

    Nb : c’est ma première carte postale, j’avais envie d’essayer le “ps” !

    Ton tout dévoué petit crayon.

     

    Quel chenapan celui là !

    Cependant, elle était émue de cette attention si touchante et ne pouvait s’empêcher de sourire en imaginant son retour, bavard comme il était, il lui rapporterait ces jours passés par le menu détail !

    Son attention fut attirée par le cachet de La Poste, 23 août 2014 … Reconnu le drôle d’éblouissement, pensa « zut » et tout bascula …

     

    -« N’oublies pas de prendre les cartes postales, j’attrape un chapeau et je t’accompagne ! »

    Elle descendit prestement les escaliers le sourire aux lèvres, passa devant le miroir et ajusta son couvre chef, le journal posé sur le guéridon était du 18 août 2014…

    Son cœur battait à tout rompre, elle le retrouvait enfin ; assurément, en toute bizarrerie car elle ne s’était jamais rendue dans le futur, ses missions ne concernaient que le passé à « réparer » ; elle se demandait, à vraie dire, son rôle avéré dans tous ces petits épisodes, pourtant liés.

    Pourtant ici, quel était le pourquoi de ce bond en avant dans le temps ?

    De plus, elle n’avait reçu aucun message, aucun signe de la part d « Elle » .

    Que lui est il encore passé par la tête, enfin, si « Elle » en avait une ?

    Elle tentait de se rappeler, se souvint que la date du cachet avait attiré son attention. En revanche, elle ne s’en remémorait que l’année.

    Le seul autre fait dont elle était certaine, c’était leurs retrouvailles, avec lui, l’homme qu’elle croisait sans cesse lors de ses missions confiées et à qui, elle le savait résolument maintenant, elle appartenait déjà ou pas encore ou presque selon les moments orchestrés par « Elle » ou pas... Fichtre de dieu ou diable ! …

    Et c’est ce qu’il advint quand elle surgit précipitamment enjouée hors de la maison.

    Il avait sorti les vélos et refermait la porte du garage.

    Lorsqu’il la vit, son visage se fit plus radieux.

    Il la cueillit d’un baiser quand elle s’élança vers lui.

    -« Alors jolie rousse exquise, crois tu qu’il soit bien prudent de partir randonner en vélo vêtue d’une robe en mousseline blanche ? »

    Elle souriait de plus belle, elle ne gardait aucun souvenir précis, juste des mots lui esquissant une impression de moments à venir. Là, elle se sentait heureuse comme jamais. Alors cette robe, blanche et en mousseline sans doute, c’était le cadet de ses soucis, d’ailleurs que voulait dire ce mot ?

    Il la prit dans ses bras et la ramena à l’intérieur, après tout, ils ne seraient pas trop de deux afin de changer ce détail vestimentaire incongru pour la longue échappée prévue...

    Aujourd’hui ou plus tard, quoiqu’il en soit, c’était les vacances n’est ce pas ? …

    Ce matin, la surprise du petit déjeuner, c’est elle qui la lui ferait.

    Auparavant, il lui faudra certes, réussir à s‘extirper de ce lit, de ce tout contre lui nichée tant aimé, ce qui ne sera pas des plus simples à réaliser…

    Cela faisait déjà presque une heure qu’elle se répétait le fameux « encore cinq minutes » ; à ce rythme là, c’est certain, elle pourrait sans doute oublier café et tartines grillées et s’endormir encore, et s’endormir peut être …

    Il bougea doucement, lui laissant ainsi entrevoir un dégagement silencieux un tantinet en mieux et tout à fait réalisable.

    Elle posa ses lèvres au creux de son cou en un baiser léger, enfila un tee shirt, sortit de la chambre et descendit jusqu’à la cuisine déjà baignée de soleil. Elle mit de la musique et s’affaira tranquillement à la préparation.

    Tiens, il faudra acheter de la confiture de fraises, la rajouter donc sur la liste des courses, mais où était le stylo ?

    Elle s’employa à terminer et tandis que la cafetière s’attachait à délivrer ces bons arômes, elle se rendit dans le petit bureau à la recherche de l’outil requis.

    Là, avec surprise, elle découvrit, soigneusement rangé dans le tiroir du milieu du vieux secrétaire, petit crayon !

    Son courageux petit crayon qui …

    Elle envisagea un "saperlipopette tonitruant" inévitablement énoncé en bien moins élégant et plus senti, au même moment où le picotement d’éblouissement l’emportait déjà…

     

    Elle se retrouva au cœur engourdi de son lit dans son appartement si silencieux, si froid.

    L’affichage lumineux du réveil indiquait deux heures vingt deux.

    Le silence retentissant emplissait ses oreilles du vacarme assourdissant de son profond désarroi.

    Un chagrin indicible pointa sans attendre la lame aiguisée de son noir destin aux portes de son cœur.

    Celui çi forcément, oublia un instant d’en débattre, laissant par là même l’ouverture convoitée par la ténébreuse déferlante qui en saisit aussitôt bien sûr, toute l’opportunité, pour s’y engouffrer avec délices.

    Le contingent des larmes nombreuses appuyées par une kamikaze funeste torpeur l’assaillit sans autre forme de procès et la dévasta en un clin de seconde.

    Le temps, ému, décida de s’arrêter.

    Il fallait bien qu’elle comprenne après tout le pourquoi de tout cela au lieu de laisser le champs libre au satané néfaste désespoir, « anéantisseur » d’âme soit, néanmoins et surtout, du bon sens de la danse neuronale. Le très vilain sus nommé trépidait, trépignait et bouillait outre mesure de se voir ainsi contenu tout figé avec son hideuse noirceur ; à vraie dire, il faisait moins le malin, pensez donc, se retrouver en miroir en si calamiteuse affliction !

    C’est comme si un trou noir rencontrait un autre trou noir, que se raconteraient ils ces deux là ? …

    Brrrr, j’en ai le petit crayon qui frissonne !

    Bref.

    « Elle » avait certes ressenti le déchirement de l’âme de sa petite protégée, avec sans doute moins de détachement convenu à sa position.

    D’ailleurs, soit dit en passant, si celle ci venait à l’apprendre, elle ne manquerait pas encore de lui souligner ce côté « sentimental » qui semblait lui gratter de plus en plus le surplis et lui agiter la faux…

    « Elle » ne bougea donc pas.

    Sa connivence avec le temps était la clef et à juste titre, la passion de celui çi pour l’économie judicieuse dans la réalisation des choses « imparfaites » , selon lui assurément, cela va de soi.

    A chacun son dada que voulez vous !

    Sans conteste, ce petit effrayant attroupement bruyant, dispendieux en diablotins pas farceurs du tout était un beau spécimen à mettre au pas.

    L’effet escompté ne tarda pas.

    Il y eut un grand et fort hoquet qui la secoua et la figea.

    Les larmes coincées s’arrêtèrent derechef, les autres n’eurent pas d’autres choix que de se répandre à la hâte dans le mouchoir passé.

    Les mots affluèrent en toute précipitation, ses mots à lui d’autrefois, murmurés en tout éclat ou hurler en toute passion par son regard.

    Et tout à coup, elle comprit.

    Les deux drôles de complices, enfin soulagés, sourirent de concert et davantage, en l’entendant se moucher bruyamment.

    Elle se leva d’un bond. De l’eau sur sa peau lui ferait le plus grand bien et ensuite, elle pourrait dormir sans doute et rêver, sûrement.

     

    Petit crayon était très fier.

    Il s’était plutôt bien débrouillé au bout du compte pendant tous ces jours passés loin d’elle.

    Il ne savait pas en tant que petit crayon dans quelle mesure il avait été ce lien si puissant ; cependant là, maintenant, il se sentait bien dans son carbone, la mine réjouie.

    Et entre nous, il avait certes envie de la retrouver, de partager à nouveau ses aventures passées à coucher sagement et toutes les futures, en héros peut être, toutefois, il avait bien apprécié ces moments avec lui et se découvrait pas trop mal à ses côtés. Un crayon à papier différent, ça va de soi, néanmoins, ça lui plaisait bien.

    Il regrettait, tiens oui, c’était ça, il regrettait de devoir rentrer.

    C’était nouveau pour petit crayon, le dilemme du choix.

    Tout à coup, le chemin de retour n’avait pas la même senteur de fleur doux en bouche, de l’attendu « be back home soon » désiré et quelque chose lui disait que le regret n’était pas que dans son cœur de carbone.

    Car après tout, petit crayon était le lien en elle et lui (et bien plus puissant qu’il ne saurait l’imaginer) .

    Lui au final, avait bien aimé l’idée de garder d’elle autre chose que les souvenirs qu’ils partageaient de leurs rencontres passées.

    Petit crayon lui en avait tant raconté sur elle, de ses rires, de ses peurs dans toutes ses aventures, posées désormais sur le papier et sagement rangées.

    Il s’en était senti plus proche encore et cela confirmait ce qu’il ressentait durant ces fugaces brèches lors de leurs péripéties communes en espaces x déterminés ou pas.

    Du coup, ces deux là étaient devenus très complices.

    Petit crayon l’accompagnait partout et se gavait de moments extraordinaires face à la nature qu’il connaissait si mal car un petit crayon comme lui doit avant tout être un petit crayon des villes : la plupart du temps, bien planqué dans sa trousse ou au chaud, posé sur le coussin préféré de celle là, bien à l’abri du dehors que lui, cet homme là, lui avait fait découvrir et aimé.

    Il est certain qu’au départ, il avait fichtrement tremblé à en faire frémir tout son carbone et s’éparpiller, s’il ne s’était contenu, en copeaux à tout vent.

    Néanmoins, à présent, il ne rêvait que de balades pointe en l’air, graphite au vent afin de laisser à sa guise des traces de lui.

    Il se sentait libre comme jamais, il se sentait bien.

    Il allait certes lui dire, elle comprendrait.

    Elle saisissait tout et très vite.

    Elle le laisserait sûrement décider et lui, il en était sûr désormais, son choix était résolu : il resterait vivre à la campagne !

    Et puis, après tout, elle le rejoindrait à un moment ou à un autre, c’était écrit…

    Cependant chut!

    Cette nuit là, elle fit un rêve : petit crayon, son crayon à papier si courageux, lui annonçait tout de go qu’il préférait rester avec lui, l’homme qu’elle aime, qu’elle a aimé et qu’elle aimera.

    Il lui racontait évidemment toutes leurs équipées sauvages de ces jours passés car il l’avait bien entendu promis et puis, pour le bavard qu’il était, cela aurait été trop dommage de louper une si bonne occasion…

    Pourquoi pas après tout, pensa t elle en ouvrant les yeux à la sonnerie de ce fichu réveil.

    Que petit crayon reste avec lui, ça n’était pas si mal au bout du compte.

    Et puis, avec toutes ces péripéties diverses et variées qui étaient siennes depuis pas mal de temps maintenant, qui sait, elle le retrouverait peut être, lui aussi .

    Bien.

    Pourquoi, fichtre de Dieu ou Diable, lui avait « Elle» envoyé encore des informations sur la rue de Thorigny ; ce lieu est fermé pour travaux jusqu’en 2012 !

    Avait « Elle » des problèmes de surplis lui grattant la peau parce qu’ « Elle» avait changé de lessive ? Cette idée la fit sourire, bah, oui, c’est assez drôle d’imaginer « Elle » en train de faire sa petite lessive, sa faux posée dans un coin de la buanderie …

    En tout cas, il était plus que certain qu’elle n’allait pas se déguiser en ouvrier du bâtiment, pour pénétrer on ne sait quel secret dans la griffure du marbre ou le stuc effrité, il ne manquerait plus que ça !

    Mais fi de cela ! Il fallait bosser non, de non !

    Les mots ce matin en paresse, ne se bousculaient pas dans l’habituel joli souhaité si ardemment.

    Ils s’étiraient presque tout ensommeillés encore de cette nuit mouvementée, avec pourtant quelque chose d’inconnu qu’ils sentaient soudre et poindre à la vitesse de la lumière.

    Ils l’avaient pourtant prévenue : pas de rêves abracadabrants sinon, eux, au lever du soleil, ils n’y arrivaient résolument pas à rester en ligne, en pleine cohérence. Il leurs fallait un tantinet de sommeil pour pouvoir se délier, s’épancher en toute sérénité, en toute joliesse aimée.

    Et là, c’était tout curieux.

    Là, ils étaient englués, entortillés et même, triturés jusqu’à la base du trait, au point x, tout étonnés d’être sollicités.

    Il aurait juste fallu une décharge percutante pour éviter qu’ils ne se mélangent presque les syllabes à donner une dysorthographie exténuante à petit crayon qui ne savait plus à vrai dire où donner de la mine.

    Il tentait vainement de refréner ces tremblements répercutés par toute cette horde devenue subitement « submergeante ».

    Il se demandait si son graphite assurerait le coup jusqu’au bout.

    Il lui fallait rattraper ce petit monde dispersé, discipliner toutes ces consonnes et ces voyelles qui n’en faisaient qu’à leur tête dans une bacchanale indécente.

    Il se devait d’être le plus pointu, le plus inflexible pour rassembler, diriger et retrouver le chemin rassérénant du ton beau et fort à la fois.

    Et...

    Que dire de la feuille !

    La plus soumise, toujours.

    Subissant, toujours.

    Pourtant, elle se réjouissait souvent au matin de retrouver cette sensation de glissements, d’effleurements plus ou moins rapides quand les mots se laissaient aller tout contre elle, lui laissant comme un goût de sarabande de plaisirs parfaits, un déroulé sensuellement irréprochable.

    Or, là, elle se sentait salie par autant d’aberrances largement obscènes pour elle.

    Pensez vous !

    Mélanger des sens, mêler des expressions, bousculer des tabous linguistiques en faisant mine de ne pas y toucher, en s’écrasant sur son vélin si doux avec une vulgarité bestiale, en phrases courtes, presque haletantes, à la ponctuation énergique. Il ne manquerait plus que celles là forcent encore leur débit et elle se retrouverait ornée de zébrures non désirées voir pire, une déchirure au creux de sa trame et si cela arrivait, nul doute qu’elle finirait dans l’obscure corbeille, oubliée de tous !

    Le monde était il devenu fou ce matin ?

    Que lui arrivait il à elle sur son coussin posée comme à son habitude ?

    Ne se rendait elle pas compte du désastre imminent ?

    Que pouvait elle y faire, elle, avec simplement ses carreaux et lignes posés ?

    Elle aussi, tremblait presque.

    Tout à coup, ce fut fini.

    L’on aurait presque entendu un soupir exhalé de soulagement.

    Elle caressa la feuille, referma le cahier, posa petit crayon et remercia tout son petit monde d’avoir mené à bien leur mission du jour...

    Elle se leva et prit son téléphone.

    -« C’est prêt ! Ca sera dans ta boite mails dans l’heure qui arrive.

    Fichtre, je n’aurai jamais imaginé que cela fut si difficile d’écrire ta scène d’amour en Sade déguisée. »

     

    Extrait de « Elle ou les autres temps » - Pascale O

    (Rappel du Code de la Propriété Intellectuelle : L’auteur jouit du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction de son œuvre)